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samedi, 11 juin 2011

Rencontre avec Catherine Henri pour ses « libres cours »

En partenariat avec l’Association de la Cause freudienne-Est

et le Centre interdisciplinaire sur l'Enfant (CIEN)

 

nous vous invitons à une rencontre avec l’écrivain

 

CATHERINE  HENRI

 

vendredi 17 juin 2011  à  19 h

 

pour son dernier livre : Libres cours (éditions P.O.L.).

 

photo Catherine Henri.jpgcouv Libres cours de Catherine Henri.jpgProfesseur de lettres dans un lycée polyvalent à Paris, Catherine Henri fait le récit de ses expériences pédagogiques dans une série de chroniques, qui ont longtemps été publiées dans Le Monde de l’éducation.

Rassemblées en un volume, aux éditions P.O.L., les premières sont devenues De Marivaux et du Loft. Voici le troisième recueil de ces chroniques, qui est paru fin 2010 chez le même éditeur : Libres cours. Un sous-titre – La langue, l’exil – est là pour expliciter le propos du livre.

On y trouve les conseils et les suggestions qu’un pédagogue talentueux adresse à ses pairs, mais aussi de beaux portraits d’adolescents. Catherine Henri nous prouve à quel point la culture littéraire et la créativité sont nécessaires à tout professeur, non seulement pour « traiter le programme », mais aussi pour nouer ou pour renouer le dialogue avec des adolescents qui sont souvent en crise ou en situation de « précarité langagière ». Répondant à Cécile Ladjali comme à Nicolas Sarkozy, elle sait tirer parti des implications intemporelles, et dans certains cas très actuelles, d'un conte de Perrault ou de La Princesse de Clèves.

 

 

Commentaires

------------------------------ Espagne ---------------------------------------------

Tout commence par la sortie de « Le Labyrinthe Magique » de Max Aub (Les Fondeurs de Briques) avec 2 volumes en 09, 2 autres en 10 et enfin les 2 derniers fin mai 11. Voila maintenant le cycle accompli. De cet auteur, je connaissais « Crimes exemplaires »et « Manuscrit Corbeau » entre autres qui m’avaient fait entrevoir son acidité et sa triste expérience des camps après la guerre d’Espagne. Et j’avais aimé. Donc c’est avec une certaine impatience que j’ai attendu la sortie des deux derniers livres qui cloturent ce cycle. Entre temps, et pour meubler, j’ai lu quelques autres ouvrages sur la guerre d’Espagne, essentiellement des nouvelles et romans, à l’opposé des récits plus ou moins historiques qui me lassent vite. C’est donc une compilation de tous ces ouvrages, bien sur non exhaustive, que je ferai ici.

------------------------------ Max Aub -----------------------------------------------

« Le Labyrinthe Magique », 2270 pages 19 cm, 6 tomes, aux couvertures en trois couleurs, rouge, or et violet, aux couleurs du drapeau de la 2eme république espagnole. Un sommet….
Tout d’abord Max Aub. Né en 03, rue de Trévise à Paris, d’un père allemand Guillermo Aub Mohrenwitz, représentant en bijoux pour hommes, mais obligé de s’exiler à Valence, Espagne, en 14 et qui demande la nationalité espagnole en 16. Le petit Max apprend très vite le castillan et n’écrira plus que dans cette langue.
De cette période, il faut mentionner la rencontre avec Jules Romains en 21. Grand admirateur de cet auteur, Max Aub va essayer de s’inspirer des « Hommes de Bonne Volonté » pour écrire « Le labyrinthe Magique ». Que reste-t’il de ce mouvement « unanimiste » de nos jours ? Cette doctrine doit exprimer « la vie unanime et collective de l'âme des groupes humains » ( ??) et « ne peindre l'individu que pris dans ses rapports sociaux ». A vrai dire je n’ai jamais lu Jules Romains. Je me souviens par compte, rue de l’Odéon, chez un libraire ancien spécialisé dans les Jules Verne (Hetzel couverture rouge, et bleues), de sa collection également des « Hommes de bonne volonté ». 27 volumes. un quantité de personnages à faire passer le Bottin pour un roman d’action. Au hasard, un enfant de Montmartre, des hommes politiques, une famille du 16ème arrondissement, des actrices, mondaines ou demi-mondaines, quelque criminels, un chien, un prêtre, quelques étudiants, entre autres Pierre Jallez, provincial, fils de paysans et Jean Jerphanion, parisien de pure souche. L’action va de 08 à 33, incluant donc la guerre de 14 (« Prélude à Verdun » et « Verdun », ce qui reste fort restrictif)

Entre autres références, c’est lui qui commandite « Guernica » à Picasso pour l’exposition universelle de 37, et qui aidera André Malraux à monter « Sierra de Teruel ». Excusez du peu. Il sera aussi un temps au secrétariat général du Consejo Nacional del Teatro.
On retrouve Guernica en filigrane dans le labyrinthe. On sait que le tableau représente un taureau qui vient de violer la jument ? (le peuple espagnol), tandis que trois femmes pleurent et hurlent, essayant de faire la lumière et que la mère et un homme démembré et à l’épée brisée ajoutent à l’horreur. Seule une toute petite fleur, à coté de l’épée, apporte une note d’espoir. Du grand Picasso A voir au Musée de la Reina Sofia à Madrid (je retournerai sans doute le voir dans quelques semaines). Donc dans le livre (Campo de los Almendros), à un moment se pose la question de savoir de qui, du cheval ou du taureau, représente la République et les fascistes. « Picasso n’a jamais répondu à la question de Juan Larrea : qu’est-ce qui représente le fascisme dans « Guernica », le cheval ou le taureau ?». Je crois que la réponse et simple, et comme il est dit plus loin « lui-même ne le sait pas et il s’en fiche ». Pas forcément, je dirai plutôt « Il sait la réponse si évidente qu’il s’en fiche ».
A la fin de la guerre, il s’exile en France, à Paris, mais dénoncé, il est interné au camp de Roland Garros, puis au camp du Vernet, Ariège, et ensuite au camp de Djelfa en Algérie. A propos de ces camps (une des pages sombres de la France) du Vernet ou d’Agde, c’est là que seront internés les membres (12000) de la célèbre Colonne Durutti, un mélange assez bizarre de mercenaires, repris de justice, tous étrangers. C’est de là que sortiront aussi les engagés volontaires qui intègrent la 2eme DB du général Leclerc, et qui en fait seront les premiers à entrer dans Paris, au soir du 24 aout 44 par la porte d’Italie. Cette neuvième compagnie (la Nueve) commandée par le capitaine Dronne comporte effectivement 3 chars Sherman « Montmirail, Champaubert et Romilly », mais les chenillettes half-tracks ont pour noms « Guadalajara, Brunete, Madrid, Teruel, Ebro, Guernica, Santander, Belchite ». Pour la petite histoire, la jeep de Dronne est baptisée « Mort aux Cons », au grand regret de Leclerc. C’est ce qui fera dire à De Gaulle la célèbre réplique « Vaste programme ». Il faudra cependant attendre 60 ans, en 04, pour que leur rôle soit enfin reconnu.
De son camp de Djelfa, Max Aub tire ses poemes et on texte « Journal de Djelfa » reparu récemment (09, Mare Nostrum, 180 p.) et dont « Le cimetière de Djelfa » court texte de pages suivait le « Manuscrit corbeau » (03, Mare Nostrum, 204 p.). A lire ces textes sur les camps officiellement nommés « Centre de séjour surveillé », gérés par le gouvernement de Vichy, on n’est pas très fier de ces épisodes. Il est finalement exfiltré au Mexique, grâce à la forte aide du consul général du Mexique en France. C’est pendant les 23 jours de la traversée, de Casablanca à Veracruz, en septembre 42, qu’il écrit « Campo Frances ».
Plus tard, il s’attaque à une « Antología de poesía mexicana 1950-1960 » et à des nouvelles « Les Bonnes Intentions» (97, Phebus, p.) et « La calle de Valverde» dont j’ignore s’il existe une traduction, de même que « Juego de Cartes » et « Jusep Torres Campalans ». Espérons que les Editions des Fondeurs de Briques nous surprendrons encore.

Pour ce qui est de « Le Labyrinthe Magique », c’est une somme de six livres, publiés de 43 à 68, (« El laberinto magico ») donc depuis juste après on internement en Algérie, à bien plus tard, alors qu’il est installé au Mexique.
1. Campo Abierto (09, Les Fondeurs de Briques, 240 p.). Les débuts d’une guerre qu’on croit encore joyeuse et courte.
2. Campo Cerrado (09, Les Fondeurs de Briques, 430 p.). La guerre, la vraie, à Valence et à Madrid, alors que l’auteur connait, malheureusement déjà, la fin de l’histoire.
3. Campo de Sangre (10, Les Fondeurs de Briques, 464 p.). La bataille de Teruel en fond, jusqu’au bombardement de Barcelone.
4. Campo Frances (10, Les Fondeurs de Briques, 176 p.). Le début de l’exode des civils vers les camps en France.
5. Campo del Moro (11, Les Fondeurs de Briques, 272 p.). Dans Madrid bombardée, alors que tout s’effondre.
6. Campo de los Almendros (11, Les Fondeurs de Briques, 688 p.). La nasse d’Alicante se referme sur les combattants et où tout va se terminer.
A signaler tout de suite, que le terme « Campo » est assez ambigu en espagnol, puisqu’il désigne à la fois le camp (de rétention dans le cas de Campo de Almendros - camp des amandiers), mais aussi le champ au sens sémantique (Campo de Sangre – champ du sang), ou encore le terrain (Campo Abierto- champ ouvert), ou la campagne (Campo del Moro – campagne du maure).
Au vu des 2270 pages, il serait illusoire de les résumer, cela d’autant plus que, fidèle à Jules Romains, il s’agit de courts passages, regroupant une série de personnages, que l’on retrouve dans les différents tomes, à des épisodes variés de la guerre et de la situation du peuple espagnol en général. Ce n’est pas non plus une chronique plus ou moins romancée de la guerre. Les épisodes sont d’ailleurs traités différemment dans les tomes, avec une découpe quasi théatrale, comportant des dialogues (Campo Frances) et une découpe fortement influencée par le cinéma (Campo Frances, après le tournage de « Sierra de Teruel » avec André Malraux). En fait il s’agit d’un véritable labyrinthe (le terme revient souvent dans les différents tomes). Le titre est parait il emprunté de Saint Augustin, en tant que parcours quelque peu tortueux dans la recherche de la vérité.
Il est vrai que les différents parcours des personnages sont pour le moins chaotiques. Il n’existe pas de chemin clair vers une Espagne nouvelle. Ainsi le père d’Asuncion, personnage que l’on retrouve dans toute l’œuvre a été fusillé par son propre camp, dénoncé pas son épouse afin de vivre plus tranquillement avec son amant. Est ce pour cette raison qu’Asuncion et Vicente vont se conduire en amants, souvent éparés, certes mais fougueux (Campo de los Almendros). Dénonciations aussi dans l’entourage de Rafael Lopez Serrador, le personnage central de « Campo Cerrado ». De même la mère qui dénonce les amis de son fils venus « parce qu’ils avaient écouté une radio ennemie » ou Claudio Luna, ex-phalangiste qui assure « qu’une bonne trahison arrange bien les choses » (Campo Abierto).
Ce labyrinthe est autant un parcours entre les personnages (cf le couple Vicente et Asuncion, qui passent leur temps à se chercher, se retrouver et se séparer, Julian Templado, médecin désabusé, Paulino Cuartero, l’intellectuel dont on se demande s’il écrira réellement, José Rivadavia, le juge de la République ou encore Jesus Herrera, le communiste militant), les situations (attente et inquiétude dans la souricière du port d’Alicante, où les derniers résistants attendent des bateaux qui ne viendront pas, le déménagement assez surréaliste des œuvres du Prado, ou de celles qui vont être cachées dans un endroit connu d’une seule et unique personne), d’actions (les premiers bombardements sur Barcelone ou Madrid, la batille de Teruel) ou encore des réflexions sur l’art, la guerre (le long monologue de Don Leandro, archiviste, blessé qui ré-écrit l’histoire de l’Espagne). Ce long passage, quasi surréaliste, est à lui seul, à mon avis, un des moments forts du (-des) livres. Don Leandro Zamora monologue pendant près de 35 pages, pendant que son compagnon, le capitaine Juan Fajardo est littéralement mort de fatigue. Le tout débute par un coup de canon « Pour nous fixer à la terre et ne pas oublier le ciel » dit le vieil archiviste, gravement blessé, qui mourra à la fin du chapitre. Et on passe en revue les Arabes « Domus Tauri » ou la ligne du taureau qui « enserre les musulman, maure, arabe, bédouin ou espagnol », les anarchistes « Le peuple ne se gouverne pas, mais il se gouverne », et qui finalement meurt après avoir débuté sa phrase par « Les taureaux à longues cornes….» et dont on ne connaitra jamais la suite. Un grand moment (Campo de Sangre).
Le tout se termine par l’énorme « Campo de los Almendros ». Roman qui décrit la nasse qui lentement se renferme sur les milliers de combattant, enfermés dans le port d’Alicante qui attendent les bateaux britanniques ou français qui devraient les évacuer. Lent enfermement qui naturellement sera sans issue. Le rythme du livre suit cette lente agonie qui dure en fait 5 jours du 27 mars au 1 avril, fin officielle de la guerre. Les jours suivants, qui forment la troisième partie du livre, on va découvrir le cahier de Ferris, écrivain, en quelque sorte l’alter ego de Max Aub, qui prend des notes sur ce qu’il voit afin de témoigner. On voit également apparaitre « les Pages Bleues », ruptures dans le récit, sorte de bilan que fait Max Aub sur ses personnages et les évènements « C’est ici que devrait se terminer Campo de los Almendros » Ce qui suit et autre chose, et pourtant ce sont bien les mêmes et la même histoire ». « Ce qui suit n’est pas un épilogue. Il n’y a pas d’épilogue ».

Écrit par : jlv-max aub | dimanche, 19 juin 2011

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Espagne2

Tout commence par la sortie de « Le labyrinthe Magique » de Max Aub (Les Fondeurs de Briques) j’en ai fait ici la critique. Entre temps, et pour meubler, j’ai lu quelques autres ouvrages sur la guerre d’Espagne, essentiellement des nouvelles et romans, à l’opposé des récits plus ou moins historique qui me lassent vite. C’est donc une compilation de tous ces ouvrages, bien sur non exhaustive, que je ferai maintenant.

------------------------------ Isaac Rosa ---------------------------------------------
« Encore un fichu roman sur la guerre d’Espagne » (11, Christian Bourgois, 560 p)
Il faut bien un début, et celui-ci était bon. En plus de cela le roman est annoncé comme une correction jubilatoire à son premier roman « La Mémoire Vaine » (06, Christian Bourgois, 331 p.), traduit de « La Mala Memoria ».
J’ai donc lu tout d’abord « La mémoire vaine » (« El vano ayer », Editorial Seix Barra), et à vrai dire je n’ai pas été franchement emballé. Pourtant ce livre a reçu le prix Rómulo Gallegos, le Nobel latino-américain (tout comme Roberto Bolaño, Mario Vargas Llosa, Gabriel García Márquez, ou Carlos Fuentes). Il est vrai qu’une forte prise de bec avait eu lieu lors de la pré-sélection et que ce prix est avant tout un acte politique.
On est donc dans l’Espagne franquiste des années 60 et le livre fait un double portrait d’un étudiant et d’un professeur d’Université. En fait le livre part d’un cas réel, celui de Julio Denis, professeur à la Complutense dans les années 60, et expulsé pour raisons politiques (on est sous Franco). Donc tout va se jouer à partir de là, pour savoir si l’étudiant était vraiment un activiste ou un provocateur payé par la police d’une part, et d’autre part, en portrait double, si le professeur était un indicateur, un membre de l’opposition ou un homme se trouvant malencontreusement là par erreur. E »t c’st là qu’est toute l’ambiguité du roman. Il est vrai que l’on ne nous épargne pas la Dirección General de Seguridad situé à la Puerta del Sol à Madrid, lieu, entre autres des horreurs franquistes.
Et pourtant… (Et c’est là que le livre se révèle faible, sinon biaisé). On pense avoir affaire à une description de dictature « molle », lors de laquelle Franco conduit doucement l’Espagne à la démocratie. C’est oublier un peu vite que ce régime a torturé jusque dans les années 75. Oublier aussi la mise sous tutelle du régime par l’Opus Dei, jusqu’à ce que la voiture blindée transportant l’Amiral Carrero Blanco, de l’Opus Dei justement et choisi par Franco pour lui succéder, vole à plus de 35 mètres de hauteur en sautant sur une mine de l’ETA. Oublier aussi le procès de Burgos des 16 nationalistes, étranglés en 70.C’est peut être oublier aussi les exactions commises par les républicains en 36. Eux non plus n’étaient pas tout blanc ou tout noir (cf le roman de Manuel Chavez Nogales « A Feu et à sang », j’y reviendrai).
Bref pour ce livre « La mémoire vaine », roman qui a trait justement à l’effacement de la mémoire, il serait bon d’en faire une lecture au second degré et de se demander si cet effacement n’est pas aussi ce qui est arrivé à l’auteur. Il est vrai que Isaac Rosa a écrit « La guerre civile est fondamentalement mal écrite».

Venons en à « Encore un fichu roman sur la guerre d’Espagne », tout commence par un avertissement dans lequel l’auteur où Isaac Rosa affirme avoir été victime d’un lecteur mal intentionné, «un impertinent individu qui a tenté de saboter la publication» et la traduction de « la Mala Memoria » en l’entrecoupant de «commentaires inopportuns» et de «notes déplaisantes». Cependant on comprend très vite l’arnaque et l’on en vient à soupçonner l’auteur d’avoir inventé de toutes pièces non pas le pirate, mais le mauvais écrivassier. « «Combien de romans sur la mémoire ont-ils paru en Espagne ces dernières années ? ». Alors, est ce un livre sur la mémoire, la mémoire de la mémoire, ou encore une réécriture de la Guerre d’Espagne ?.


------------------------------ Manuel Chaves Nogales ---------------------------
« A Feu et à Sang » (11, Quai Voltaire, 268 p.) traduit de « A sangre y fuego. Héroes, Bestias y Mártires de España” (92, Allianza Editorial Madrid).
Neuf nouvelles « Massacre ! Massacre§ », « La geste des cavaliers » ; « Au loin, une petite lueur » ; « La colonne de fer » ; « Le trésor de Briesca » ; « Les guerriers marocains » ; « Vive la mort » ; « Bigornia » et « Conseil ouvrier ».
On voit déjà que les titres n’annoncent rien de bien gai. Et cependant l’auteur annonce « Chaque épisode est inspiré d'un fait rigoureusement véridique ; chaque héros possède une existence réelle et une personnalité authentique - laquelle a été prudemment voilée en raison de la proximité des événements. »
Dans « Massacre ! Massacre§ », on conçoit un piège, certes grossier, pour capture (et tuer) les officiers. Tout cela est concocté par Valero, intellectuel communiste et Arabel, le chef de l’Escadrille de la Vengeance. Ils émettent une fausse annonce invitant les officiers fascistes à venir percevoir leurs arriérés de pension. 125 répondront qui seront bien sûr fusillés. Le propre père de Valero n'est pas épargné. C’set dans cette nouvelle que se passe la scène suivante «Un jeune homme mince, sans forces, aux longs bras ballants, une mèche de cheveux collée sur son front pâle. Ses camarades le hèlent : "Salut, Malraux ! ».
Dans « Les Colonnes de Fer », mélange d'anarchistes et de détenus, (cf la Colonne Durutti) pillent village après village.
Dans « Le trésor de Briesca », Arnal, artiste peintre, s'efforce de sauver ce qui peut l'être dont deux tableaux du Greco. Il les enterre et dessine un plan pour retrouver leur emplacement. Ce plan, qu'il camoufle sous des gribouillis, retrouvé dans son portefeuille, et vendu cinq dollars à un Américain. Lequel, bien sûr ignorera à jamais ce trésor caché.
Mohammed, dans « Les guerriers marocains » a été enrôlé dans les légions de Maures qui combattaient avec les militaires. Blessé, il choisit de se rendre et se prétend rouge. Conduit à l'hôpital, il est opéré, soigné, dorloté par les infirmières. On l'arrache cependant de son lit, et on le fusille.
Conclusion de Manuel Chaves Nogales : « la vie humaine a perdu toute valeur ». Dans la préface, il indique que « Les idiots et les assassins ayant ont surgi avec une égale profusion et agi avec une égale intensité dans les deux camps ». Pour lui, « la guerre d'Espagne fut d'abord la manifestation de la bêtise et de la cruauté ».

A signaler du même auteur à paraitre bientôt « L’agonie de la France » (12, Quai Voltaire) traduit de « La agonía de Francia » sur la débacle en France après juin 40, à la suite des déboires de Ligues (Action Française, Camelots du Roi, Ligue des Patriotes, Croix de Feu) en février 34, ainsi que du Front Populaire en 36. La conclusión de Chaves est très claire: "Las dos grandes fuerzas de destrucción del mundo moderno, el comunismo y el fascismo, la nueva barbarie de nuestro tiempo (…) habían librado en Francia una larga batalla. Todo había sido arrasado a derecha e izquierda. Quedaba únicamente lo que era indestructible, la norma, el espíritu, que si bien no impide a las naciones morir, es lo que les permite resucitar". (Les deux grandes forces de destruction du monde moderne, le communisme et le fascisme, la nouvelle barbarie de notre temps (..) ont livré une grande bataille en France. Tout a été laminé, à gauche et à droite. Il ne restait que ce qui est indestructible, la norme, l’esprit, qui bien que cela n’empêche pas les nations de mourir, c’est ce qui leur permet de ressusciter).
Dans un tout autre genre, « Juan Belmonte matador de taureaux » (90, Verdier, 280 p.), son roman le plus connu, qui raconte la vie de Juan Belmonte (92-62) grand Sévillan tueur de toros (avec son ami Joselito) après des passes de muleta de plus en plus serrées. Il se suicide à 70 ans après avoir été éconduit par une belle colombienne de 50 ans sa cadette. Petit bouquin à la gloire de la tauromachie (une douzaine d’ouvrages parus dans cette petite collection de chez Verdier).

------------------------------ Alberto Mendez -----------------------------------------------
« Les tournesols aveugles » (06, Christian Bourgois, 164 p.)
Quatre nouvelles, bizarrement intitulées, Première défaite, 1939 ; Deuxième défaite, 1940 ; Troisième défaite, 1941 ; Quatrième défaite, 1942. On trouve également des sous titres « Si le cœur pensait, il cesserait de battre » ; « Manuscrit trouvé dan l’oubli » ; « La langue des morts » et « Les tournesols aveugles ». Je les trouve plus jolis et plus en adéquation avec les textes.
Ces nouvelles peuvent effectivement être dans un ordre chronologique. Dans la première, le capitaine Carlos Alegria, se rend (il se qualifie lui-même de rendu) la veille de la perte de Madrid. Et pour comble il se rend aux vaincus, pour ne pas se retrouver dans les rangs des franquistes, d’où sa qualification de déserteur. Il finira par s’évader ensuite et retourner à son village Somosierra.
La seconde, sous forme de manuscrit trouvé auprès d’un corps mort –de froid, de faim- est assez beau de par son écriture, toute en finesse pour ce sujet de l’abandon. C’est une écriture très poétique à laquelle on assiste, et qui va trouver sa fin dans la disparition de la possibilité même d'écrire (avec la mort certaine).
Un joueur de violoncelle, Juan Senra a connu le fils de celui qui l'interroge, exécuté par les républicains. Il s’invente alors des anecdotes qui lui permettent de rester en sursis. Finalement, il révèlera le comportement ignoble du fils, détruisant l’image du héros franquiste. Bien sûr, cela le conduit au peloton d’exécution.
Un très beau livre, dans lequel les perdants font des choses magnifiques. Le tout est fort bien écrit.


------------------------------ Juan Benet ---------------------------------------------
« Les Lances Rouillées » (10, Passage d Nord-Ouest, 704 p.).
Tout commence par une splendide couverture en couleurs de Félix Vallotton « Verdun », et c’est en partie pour cela que j’ai acheté ce livre. En fait le titre complet de la toile est « Verdun, tableau de guerre interprété, projections colorées noires, bleues et rouges, terrains dévastés, nuées de gaz », peinture à l’huile (environ 1.20 *1.50 m), effectuée en 17, et exposée au Musée de l’Armée, aux Invalides. J’irai la voir spécialement un jour. Je connaissais Vallotton pour ses dessins et linotypie à l’encre de chine, toujours grinçants. J’avais vu quelques dessins des tranchées (très réalistes), mais j’ignorais cette toile qui tient à la fois du cubisme et du futurisme. En fait FV se demande comment peindre Verdun. « Dessiner ou peindre des 'forces' serait bien plus profondément vrai qu'en reproduire les effets matériels, mais ces 'forces' n'ont pas de forme, et de couleur encore moins. ». Le résultat est très surprenant. Bref, j’ai acheté le bouquin grâce au maquettiste de « Passage du Nord-Ouest » et j’ai découvert Region par la même occasion. (Il y a une carte fournit avec le livre).
Je m’explique. Juan Benet a inventé cette petite ville (Region) où il situe la plupart des se romans. On y voit apparaître un cadavre dans « L’air du crime » (87, Editions de Minuit, 280 p.) qui va déclencher des démêlés entre le capitaine Medina et son supérieur immédiat, le colonel Olvera. Une carte sommaire de Region existait déjà dans « Tu reviendras à Region » (89, Edition de Minuit, 416 p.) où l’on découvre une inquiétante fleur rouge d'aspect « séduisant et pernicieux », « fleur de l'inquiétude, du chagrin de l'âme ». Et malgré la carte, on aime cet étrange pays impénétrable et hostile, qui compte autant de vallées « qu'il y a de jours de l'année », sachant que ces vallées sont dépourvues de toute liaison transversale entre elles. La communication entre deux vallées parallèles doit se faire, pendant les huit mois froids de l'hiver, le long des cours d'eau jusqu'à leur confluent, puis en sens opposé. On comprend que les choses ne vont pas être simples. De plus, les hommes sont identiques aux vallées : ils sont parallèles et dépourvus de liaisons. Personne ne parle à personne (ce qui, dans un sens, va simplifier les dialogues). Toujours dans le sens de la simplification « Une Méditation » (07, Passage du Nord Ouest, 384 p.) ne contient qu’un seul paragraphe. Pur cela Juan Benet a bricolé sa machine à écrire de façon à écrire sur un rouleau de papier : il ne peut se relire, ni revenir en arrière (photos à l’appui dans le livre). Bref, Region est une ville quelque peu spéciale.
Pour en revenir à « Lances Rouillées », on retrouve Region, ses trois montagnes, ses deux fleuves et quelques villages imaginaires. On retrouve aussi la guerre d’Espagne, dont Juan Benet veut écrire l’histoire. Au 38, la « poche de Region » n’est déjà plus que le « reste du naufrage républicain flottant à la surface d’eaux tranquilles, presque indifférentes à sa dérive ». Voila le décor planté. Mais Region résiste toujours aux franquistes, malgré son si peu d’intérêt stratégique. On assiste aux joutes stratégiques donc, entre le capitaine républicain Eugenio Mazon, et son aide, Juan de Tome, Enrique Ruan, lecteur inconditionnel de Marcel Proust (pourquoi pas), et Arderius, le soit disant tactitien du groupe.

Écrit par : jlv-espagne2 | mercredi, 22 juin 2011

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